Lettre 2, Janvier
Auteur :
Koyomi
Genre :
Romantique
Source : Une copine, par
un hasard complet.
Bonjour
Sylvain,
Ça fait longtemps, n’est ce pas ?
Je parie que tu te demandes pourquoi je t’écris.
Tu as du être stupéfait en voyant le nom de l’expéditeur.
Après tout, ça fait cinq ans que j’ai coupé les ponts avec toi. Mais si tu ne
m’avais pas trahie…
Bon, je sais, c’est vieux, de l’eau a coulé sous les ponts,
comme on dit.
Je ne devrais pas y faire allusion.
D’ailleurs, je ne devrais pas en parler, ce n’est pas le
sujet de cette lettre, pas du tout.
J’ai eu 26 ans il y a quelques mois. (Te souviens-tu de la
date de mon anniversaire ?). Je suis mère depuis quatre ans, et séparée du
père d’Alice. Elle ne l’a même pas connu, ce couard est parti dès que je lui ai
annoncé être enceinte.
Alice dit que je suis vieille. Je ne trouve pas, mais bon,
c’est l’impression d’une fillette de quatre ans… Je me considère comme assez
jeune, quand même…
J’ai eu ma vie, depuis que je suis partie. Mais je suppose
que tu t’en doutes. (Mais te souviens-tu encore de moi ?)
Je me suis installée à Paris. C’est joli.
Demain, j’irais aux Galeries Lafayette dépenser de l’argent
pour Alice.
Je pense qu’à ce stade, tu dois te demander ce qui a motivé
ma lettre. (A moins que tu n’en sois qu’à tenter de te souvenir de mon
visage)
Mais j’ai besoin d’en parler.
C’est une façon comme une autre de faire le point, je
suppose.
Tu sais que j’étais amoureuse de toi ?
C’est en partie pour cela que je suis partie.
C’est pour ça que j’ai eu si mal lorsque tu m’as hurlé que tu
me haïssais, sur ce pont. Heureusement qu’il y avait du vent, ce jour là. Tu
n’as pas vu mes larmes.
Désolée, j’avais dit que je n’en parlerais plus.
Bref, tout ça pour t’avouer ça.
C’est idiot, n’est-ce pas ?
Si je te fais cette révélation, c’est parce que je vais
bientôt mourir, tout simplement.
Je suis atteinte du sida. Ça fait quatre ans. Depuis Emeric
(le père d’Alice). Donc, ça doit être lui qui me l’a transmis, cette
saloperie.
Je suis vulgaire…
Il me reste tout au plus deux mois à vivre, alors je me suis
dit que c’était le bon moment pour m’excuser, ou renouer des liens.
Oh, bien sûr, j’ai suivi des traitements. Mais j’ai bien vu
les regards des docteurs, et les larmes contenues des infirmières quand elles
regardaient ma petite Alice.
Je les hais, je voudrais les tuer.
J’ai tout prévu, Alice ira vivre chez ma sœur, qui l’adore.
Comme elle est stérile, elle sera ravie de l’avoir.
J’ai dit que j’allais mourir : c’est faux.
Quand tu recevras cette lettre, je serais déjà enterrée,
puisque j’ai prévu un envoi retardé, qui ne se déclenchera qu’après ma mort.
Je t’aime
toujours,
envers et malgré
tout.
Céline